Tour de passe-passe : troquer Gaza pour la Cisjordanie

TOUR DE PASSE-PASSE : TROQUER GAZA POUR LA CISJORDANIE


Sharon... a un point de vue rigide qui n'a pas changé depuis des décennies. Il ressemble à un bulldozer des forces armées israéliennes à Jenin, qui détruit... des maisons qui s'écroule sur leurs habitants. Son objectif dans la vie est de détruire l'entité palestinienne et d'emprisonner les Palestiniens dans des enclaves isolées, jusqu'à ce que le moment soit mûr pour les expulser du pays. Aujourd'hui il cache son (attachement) à ce plan sous le masque d'un grand-père généreux et modéré qui se serait "rangé" et ne demande pas mieux que de couronner sa carrière en faisant la paix. - Uri Avnery 30-11-02

Parler d'une "fin de la violence" tout en continuant à étouffer les quartiers palestiniens de -Jerusalem avec des murs et en les transformant en enclaves. Parler de "deux Etats" tout en continuant à couper la Cisjordanie en morceaux avec des barrières. Se dégager de la souffrance et la misère qu'Israël laissera derrière lui dans la bande de Gaza... tout en continuant à créer de nouvelles enclaves en Cisjordanie, avec des barrières, des routes, des check-points et des colonies... Parler d'évacuation des colonies tout en en construisant de nouvelles... Le retrait [de Gaza] et la Barrière [= le Mur] sont deux composantes d'une même stratégie, qui consiste à séparer pour mieux régner, annexer et confisquer. -- Ta'ayush (Arab Jewish Partnership), "Talking Peace while the Bulldozers Work" (Parler de la paix pendant que les bulldozers travaillent), 25-2-05

Sharon a combiné la décision sur le retrait de Gaza avec celle sur la construction du mur afin d'honorer son engagement à propos d'un renforcement du contrôle israélien sur les blocs de colonies (Goush Etzion, Ariel and Ma'aleh Adoumim)… Jerusalem-est deviendrait une enclave coupé [du reste de la population palestinienne], entourée de toutes parts par des quartiers juifs. Dans de telles conditions, Jerusalem aurait du mal à servir de capitale d'un Etat palestinien. -- Ha'aretz, "Israel's new frontier", 25-2-05

Les décisions récentes du gouvernement israélien consistent à formaliser le tracé du mur en construction en Cisjordanie, à rendre permanentes 120 colonies illégales, et à construire 6000 logements neufs dans la colonie de Ma'aleh Adoumim. Nous sommes opposés au Mur et nous refusons l'usage du retrait annoncé [de Gaza] pour couvrir l'annexation d'autres territoires déjà promis aux Palestiniens par des accords passés. -- Tikkun (publication juive et de la gauche aux Etats-Unis)

Le rêve de Sharon se réalise sous nos yeux, mais presque personne ne s'en aperçoit, dirait-on. A l'heure où le monde retient son souffle pour voir si Israël va réellement démanteler ses colonies juives à Gaza, peu de monde, en dehors d'Israël, semble avoir remarqué qu'Israël s'empare de terres en Cisjordanie. Pendant que Bush et Sharon chantent en choeur "Feuille de route, feuille de route" pour les plus crédules (ou les plus cyniques), mais les bases de la solution "feuille de route" sont en train d'être minées, peut-être pour toujours. Quel genre d' "Etat palestinien viable" pourra-t-on construire sur un territoire réduit et coupé en morceaux, entièrement entouré de zones sous contrôle israélien ?

Lorsqu'il a annoncé son intention de se retirer de la bande de Gaza, Sharon, dont l'ambition de construire le Grand Israël n'a jamais fléchi, a déclaré que le gouvernement allait "agir pour renforcer le contrôle d'Israël dans les parties de la Terre d'Israël qui seront des parties intégrantes de l'Etat dans tout accord futur". Il a donc confirmé qu'Israël a l'intention de garder les "blocs de population juives" en Cisjordanie. Au printemps dernier, l'administration Bush a fait comprendre qu'il soutient ces objectifs. En échange de la décision de Sharon de réinstaller ailleurs 4000 à 7500 colons de Gaza, Bush a accepté de fermer les yeux devant la "légalisation" de 400 000 colons de Cisjordanie, et, devant l'annexation à terme par Israël d'une partie considérable -- jusqu'à 50 pour cent -- du territoire de la Cisjordanie.

Parallèlement, Israël a exproprié des terres importantes appartenant à des Palestiniens de la Cisjordanie séparés de leurs propriétés par la construction du Mur. Ces terres ont été confiés à une autorité nommée "Custodian des propriétés absentéistes" en raison d'une loi, longtemps oubliée, qui permet à Israël de saisir des propriétés appartenant aux Palestiniens chassés lors de la guerre de 1947-1948. Jusqu'à la moitié des propriétés à Jerusalem-Est appartient à des Palestineins qui vivent juste au delà des nouvelles limites de la ville dessinées par les autorités autorités israéliennes. De telles seizures, sont des violations non seulement de l'accord sur la Feuille de route, mais aussi des Conventions de Genève à propos des territoires occupés.

L'élection de Mahmoud Abbas montre que les Palestiniens sont dans l'ensemble sont attachés à la non violence et à la réforme démocratique. Mais que signifie la démocratie quand il n'y a pas de liberté de mouvement, lorsqu'on laisse mourir des bébés aux check-points, lorsqu'on prive des gens du droit de travailler leurs terres, lorsque le voyage entre la maison et le lieu de travail prend une demi-journée, lorsque des colons armés surveillent les villageois depuis leurs collines et les harcèle, en espérant qu'ils s'en lasseront et qu'il partiront ?

Combien de temps peut durer la patience quand il n'y a pas d'espoir ?

Mahmoud Abbas, comme Yasser Arafat, lutte pour le retrait complet d'Israël jusqu'aux frontières de 1967, pour Etat palestinien ayant sa capitale à Jerusalem-Est, pour la reconnaissance du droit au retour des réfugiés palestiniens. Si une majorité d'Israéliens peut accepter de faire des concessions sur ces points dans l'intérêt de la paix, les leaders israéliens, eux, semblent encore loin de faire ces concessions. On peut s'attendre à ce que les leaders d'opinion, israéliens et américains, s'en prennent à Abbas pour le prochain attentat commis (voilà qui est déjà confirmé, le 27 février 2005), ou même sans prétexte. On nous dira que les Palestiniens sont incapables de négocier en bonne foi et qu'Israël n'a d'autre solution que de s'arroger toute l'autorité (comme il le fait de toute manière). Confiscations de terres, annexations de territoire, changement du tracé des frontières, pressions incessantes sur les Palestiniens pour visant à les faire partir... qui va arrêter cet engrenage ?

Sûrement pas Bush. Ni l'Europe, ni la France, ni aucune autre puissance, semblerait-il. Ni l'opinion internationale hypnotisée par ces tours de passe-passe. A nous donc de construire un mouvement pour sortir le monde de sa transe coloniale.

La pression internationale exercée à travers des boycotts, a contribué à la chute du régime d'apartheid en Afrique du Sud. Israël est également sensible aux pressions économiques et à l'opinion mondiale. Pour commencer, nous pouvons demander que l'Union européenne suspende immédiatement l'accord d'association avec Israël, jusqu'à ce qu'Israël cesse ses violations de la clause humanitaire de cet accord. Il existe aussi des mouvements internationaux pour le retrait des investissements en Israël, pour un boycott des produits venant des colonies des territoires occupés, et un boycott universitaire. Ensemble nous pouvons faire une différence.

Quelques sites internet utils :

En France,
Association France-Palestine Solidarité
Plateforme des ONG françaises pour la Palestine (et sa liste de campagnes)
General Union of Palestinian Students (GUPS)

En Israel et enPalestine,
The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH)
Foundation for Middle East Peace (plans, statistiques)
Electronic Intifada
Stop the Wall campaign
Sharon's "Gaza Disengagement Plan"

Aux Etats-Unis,
If Americans Knew
Foundation for Middle East Peace
Jewish Voice for Peace

Quelques statistiques :

Les Etats-Unis donnent 15 139 178 dollars par jour au gouvernement israélien et aux forces armées. Les ONG palestiniennes ne reçoivent que 568 744 dollars par jour.

Entre mars 2001 et juillet 2003, plus de 60 colonies juives ont été construites sur des terres palestiniennes confisquées. Il n'y a pas un seul exemple de confiscation et de colonisation de terres israéliennes par les Palestiniens.

Americans Against the War - France
12 mars 2005